Les distinctions militaires
La Légion d’honneur et la médaille militaire sont, dans les premiers mois de la guerre, les seuls moyens de récompenser les hommes les plus vaillants. Or, les délais d’obtention de ces distinctions sont relativement longs. Une question financière se pose par ailleurs : un traitement spécifique est réservé aux détenteurs de la Légion d’honneur comme de la médaille militaire, à savoir l’octroi d’une indemnité annuelle. La « citation à l’ordre » constitue l’autre procédé permettant de distinguer les hommes méritants, mais elle passe souvent inaperçue et les publications sont trop lentes. Au cours de l’hiver 1914-1915, l’ampleur du conflit et la pression des journaux, qui appellent à récompenser le sacrifice des soldats, convainquent l’Etat major et le Parlement de créer la Croix de Guerre, le 8 avril 1915 (1).
Les citations nous permettent de mieux cerner l’attitude des officiers normaliens et de comprendre les exigences requises pour l’attribution des récompenses. Les qualités louées chez un officier sont aussi bien le courage que le calme. « Bravoure » est l’un des termes les plus fréquemment employés : ce sont les assauts, sous la mitraille incessante de l’ennemi, qui font le mérite de ces hommes. Ignorent-ils le danger qu’ils encourent ? La question se pose à la lecture de ces lignes élogieuses, qui saluent le sous-lieutenant Blanchard : il s’est élancé à l’assaut d’un poste d’écoute allemand, « au mépris du danger ». Mépris de la mitraille ennemie, mais aussi de sa propre vie : blessé, le sous-lieutenant refuse de laisser ses hommes pour être évacué, et cela à deux reprises, en 1915 et en 1916. L’énergie et l’initiative sont les atouts principaux d’un officier, qui doit être en mesure de mener ses hommes à l’affrontement. Etre un bon officier, c’est aussi entretenir des relations de confiance avec ses soldats, savoir les protéger. Le lieutenant Potet est ainsi récompensé pour avoir maintenu le moral et la sécurité de ses hommes, alors qu’il leur était impossible de sortir de leur tranchée. La « ténacité » et le « calme » ont toute leur importance chez des individus en charge de la vie d’autres combattants. Le « sang-froid » est ainsi l’expression la plus couramment employée par les supérieurs hiérarchiques lorsqu’ils veulent mettre en avant le mérite d’un officier.
L’obtention de cette médaille implique nécessairement la citation à l’ordre d’un régiment, précisant l’action ou le comportement qui la justifieraient. La demande est ensuite examinée par une commission spéciale constituée d’officiers supérieurs. Si son avis est favorable, elle transmet le dossier au ministre de la Guerre qui, en dernier ressort, décide d’accorder ou non la médaille. Il est donc possible qu’une citation ne donne pas lieu à l’obtention de la Croix de Guerre, comme c’est le cas pour le sous-lieutenant Leloup. Les normaliens de Saint-Cloud morts à la guerre étant essentiellement des officiers, il n’est pas surprenant de constater que, parmi eux, ceux qui ont obtenu la Croix de guerre (ou qui ont fait, plus généralement, l’objet d’une citation) soient également des officiers. On ne relève ainsi qu’une seule exception, Lucien Dautrey, simple 2e classe. 20 des 102 élèves tués ont obtenu la Croix de Guerre. 4 sont détenteurs de la Légion d’honneur, 5 de la médaille militaire. Certains cumulent plusieurs récompenses : 4 normaliens ont obtenu la Croix de Guerre et la légion d’honneur, 2 la Croix de guerre et la médaille militaire. Ces distinctions sont une source de fierté pour les familles, mais aussi pour l’Ecole elle-même, qui signale ces récompenses sur le monument aux morts, à côté du nom du soldat.
Les médailles sont représentées à la suite du nom de son récipendiaire.
(Solène Baron)
(1) cf. COCHET F., PORTE R. (Dir.), Dictionnaire de la Grande Guerre : 1914-1918, R.Laffont, Bouquins, Paris, 2008.