Réflexion sur les témoignages oraux

Une partie de ce travail de recherche collective a été réalisée grâce aux témoignages oraux de personnes qui ont pris part à la construction mémorielle de l’histoire de l’école. C’est le cas de Thibaut Poirot, ancien élève de l'ENS de Lyon, doctorant en histoire contemporaine à Paris I et membre de l’Association des anciens élèves et de Vincent Lemire, ancien élève de l’ENS de Saint-Cloud aujourd’hui maître de conférence en histoire contemporaine à l'Université Paris-Est. J’ai ainsi rencontré Thibaut Poirot le 23 novembre 2013 dans les locaux de l’ENS de Lyon et j’ai pu interroger Vincent Lemire le 19 février 2014.

Ces rencontres m’ont permis de saisir un autre regard sur notre sujet d‘étude, un regard plus engagé, plus directement ancré dans les événements. Thibaut Poirot et Vincent Lemire se sont tous deux personnellement engagés dans la construction d’une histoire de l’école. Historiens de formation l’un comme l’autre, ils ont à coeur de ‘‘donner une histoire aux vieilles pierres‘‘ (V. Lemire), de mettre en avant l’histoire d’une école qui reste la leur, et qui est liée intimement à leur propre histoire personnelle. On sent dans ses deux personnalités un vrai esprit d’initiative pour exhumer le passé de l’ENS, indispensable pour donner des bases saines à l’école lyonnaise d’aujourd’hui. Leurs témoignages, ancrés dans un vécu plus ou moins lointain, permettent aussi de recontextualiser les événements.

Par ailleurs, Thibaut Poirot et Vincent Lemire font mention d’autres acteurs, autant de pistes pour continuer le travail de recherche. Ils m’ont aussi donné accès à des archives qui ont permis de vérifier et de compléter leurs témoignages. Thibaut Poirot a fait part du mail envoyé par le syndicat SUD Education en réaction à la commémoration du 11 novembre et il nous a ouvert les portes du local des archives de l’Association des anciens élèves. Vincent Lemire avait quant à lui constitué un dossier d’archives au moment du transfert du monument, dossier qu’il m’a transmis. Par ce biais, j’ai pu avoir accès aux échanges électroniques entre les différents acteurs de ce transfert, échanges entre l’administration de l’école et Vincent Lemire concernant la légitimité et la faisabilité de ce projet, entre les organisateurs du projet et les époux Coignard, artisans qui ont rénové la plaque, entre différents services engagés dans le projet à propos des questions financières et logistiques.

Ces témoignages oraux ont donc été de très grande valeur pour mon travail. Associés à des sources écrites et plus contemporaines des événements –bulletins de l’Association des anciens élèves de l’après-guerre – ou à des travaux de recherche déjà effectués –thèse de Christian Hottin -, ces témoignages ont toute leur place dans ma réflexion sur l’histoire du monument aux morts des années 1920 à nos jours. Ces témoignages peuvent introduire un biais dans la lecture des événements car ils renvoient à un vécu personnel mais ce biais même est intéressant s’il est confronté à d’autres sources : il est révélateur d’un contexte, d’un ensemble d’acteurs plus ou moins en phase, de volontés contradictoires. Je remercie donc très sincèrement Thibaut Poirot et Vincent Lemire pour leur disponibilité, leur soutien au projet et l’intérêt qu’ils portent à construire cette histoire qui dépend aussi de nous.

(Mélanie Fabre)